Plusieurs nations d'Amérique latine ont exprimé leur désaccord samedi face à la prestation de serment controversée de Nicolas Maduro pour un troisième mandat à la présidence du Venezuela. Le Brésil a notamment fait part de sa "grande préoccupation" concernant les "violations des droits de l'homme envers les opposants". Proclamé vainqueur de l'élection présidentielle de juillet malgré des soupçons de fraude massive, M. Maduro, au pouvoir depuis 2013, a été investi vendredi pour un nouveau mandat de six ans, lors d'une cérémonie largement ignorée par la communauté internationale.
L'ancien président colombien Alvaro Uribe a appelé samedi à une intervention militaire "pour chasser" M. Maduro. À Caracas, les partisans de M. Maduro ont célébré son investiture avec une grande parade de motards dans la capitale. L'Équateur, le Panama, le Costa Rica et la République dominicaine, membres de l'Alliance pour le développement en démocratie (ADD), ont rejeté "de la manière la plus énergique cet acte illégitime d'investiture", qualifiant cette élection de "fraude électorale imposée par la terreur d'État contre le peuple vénézuélien", selon une déclaration officielle.
Bien que le gouvernement Maduro ait effectué des gestes de détente, comme la libération de 1 500 détenus récemment, le gouvernement brésilien a exprimé sa préoccupation face aux récents épisodes d'arrestations, de menaces et de persécution d'opposants politiques vénézuéliens", a affirmé le ministère des Affaires étrangères du Brésil dans un communiqué. Le Brésil, sous la présidence de gauche de Luis Inacio Lula da Silva, n'a pas officiellement reconnu la victoire du président socialiste, exigeant la publication des procès-verbaux de l'élection de juillet.
M. Maduro a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle du 28 juillet avec 52 % des voix par le Conseil national électoral (CNE), une institution considérée comme sous l'emprise du pouvoir. Le CNE n'a pas révélé les procès-verbaux des bureaux de vote, invoquant un piratage informatique, une explication jugée peu crédible par de nombreux observateurs. L'opposition a publié les procès-verbaux fournis par ses observateurs, affirmant que son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 67 % des voix.
"Le Brésil exhorte les forces politiques vénézuéliennes à engager un dialogue et à chercher un accord commun, basé sur le respect des droits humains", a souligné le gouvernement Lula dans sa déclaration. Vendredi, le président brésilien et son homologue français, Emmanuel Macron, ont exhorté M. Maduro à "reprendre le dialogue avec l'opposition".
En Colombie, l'ancien président de droite Alvaro Uribe a participé à un sit-in pour "la liberté" à Cucuta, à la frontière vénézuélienne, déclarant : "Que cet escroc sache que ce que nous préconisons est une intervention militaire internationale avec l'armée vénézuélienne pour chasser la dictature (...) et convoquer immédiatement des élections libres".
À Caracas, le camp pro-Maduro a affiché ses couleurs dans le centre-ville sous une forte présence sécuritaire. "Nous sommes avec toi Maduro, avec toi jusqu'à la mort", a déclaré un motard, Victor Izarra, sur une chaîne publique qui a diffusé samedi des images du défilé dans la capitale.
Sur les réseaux sociaux, M. Maduro a rappelé que l'armée lui avait réaffirmé son soutien. "Ce nouveau mandat est une opportunité pour renforcer la paix", a-t-il assuré. Il a défié l'ancien président colombien Alvaro Uribe, le qualifiant de "triste personnage paramilitaire et narcotrafiquant", lors de la clôture d'un festival "antifasciste" à Caracas. "Espèce de lâche, tu viens devant les troupes Alvaro Uribe, je t'attendrai sur le champ de bataille", a réagi Maduro.
Vendredi, l'opposition avait qualifié l'investiture de "coup d'État" et M. Gonzalez Urrutia a demandé à l'armée de "désobéir aux ordres illégaux". L'opposant, qui avait envisagé de revenir d'exil pour prêter serment à Caracas et prendre le pouvoir, a finalement renoncé à ce projet par crainte d'être arrêté. Sa tête est mise à prix 100 000 dollars.
"Je ne vois aucun moyen de le (Maduro) renverser à l'heure actuelle. Le gouvernement est plus fort aujourd'hui qu'il y a quelques années", affirme Rebecca Hanson, spécialiste de l'Amérique latine à l'université de Floride. Le pouvoir "n'a pas montré de signes majeurs de faiblesse et le gouvernement de Maduro a pris des mesures ces dernières années pour écarter -- dans certains cas en les emprisonnant -- ceux qui auraient pu constituer une menace", souligne-t-elle. "Il n'y a pas non plus de signes crédibles indiquant que l'armée est prête à se retourner. Cela ne veut pas dire que Maduro tiendra encore six ans, mais à moins que certains de ces facteurs ne changent, il est très peu probable qu'il soit démis de ses fonctions" à court terme, estime-elle.
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