Chez les agriculteurs français, l'insatisfaction grandit face à l'accord d'association UE-Mercosur. Pourtant, ce traité pourrait s’avérer avantageux pour les producteurs d'alcool français et européens, selon Jean-Marie Cardebat, professeur d'économie à l'université de Bordeaux et titulaire de la Chaire "Vins et Spiritueux" à l’Inseec.
Alors que le secteur agricole, poussé par ses principaux syndicats, bloque certaines routes en France pour s’opposer à l’accord avec le Mercosur, dont ils craignent les répercussions néfastes, une partie du secteur demeure étrangement silencieuse : celle des producteurs de spiritueux. Contactés par Challenges, le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) et la Fédération des exportateurs de vins & spiritueux de France (FEVS) n'ont pas souhaité s'exprimer. Sur leurs plateformes en ligne, aucune déclaration sur le Mercosur n’est visible, tandis que des communiqués dénonçant les taxes chinoises pullulent.
Comment expliquer ce silence apparent ? La Commission européenne affirme que l'accord UE-Mercosur pourrait être favorable pour eux. Un avis que partage Jean-Marie Cardebat, économiste reconnu et président de la European Association of Wine Economists (EAWE). Il semble que cette perspective soit difficile à accepter pour les producteurs d’alcool, alors que leurs confrères agriculteurs s'opposent vigoureusement à ce traité.
Challenges: En quoi cet accord pourrait-il profiter aux vignerons et producteurs de spiritueux européens ?
Jean-Marie Cardebat: Le marché du Mercosur est crucial pour ces producteurs. Ces dernières années, leur potentiel d’exportation a diminué à mesure que certains marchés se sont restreints ou fermés. En Chine, une taxe de 35 % sur les eaux-de-vie telles que le cognac et l’armagnac est en place, le marché russe est inaccessible depuis le conflit, et il est probable que des mesures fiscales additionnelles surviennent avec les États-Unis sous Trump. Trouver de nouveaux débouchés devient donc impératif.
Le Mercosur représente une réelle opportunité avec 275 millions de consommateurs potentiels. À l’heure actuelle, les vins européens importés dans ces pays subissent une taxe de 27 %. Grâce à un accord, cette barrière tarifaire serait levée, donnant lieu à une hausse notable des exportations.
Pour tirer pleinement parti de cet accord, les producteurs européens devront adopter des stratégies commerciales adaptées qui prennent en compte les spécificités des marchés sud-américains. Ils devront également veiller à maintenir des standards élevés afin de séduire ces consommateurs et de se différencier dans un paysage compétitif.
Le scepticisme des agriculteurs vis-à-vis de l'accord UE-Mercosur est compréhensible. Ils redoutent la concurrence accrue et les impacts potentiels sur l'économie locale. Toutefois, il est crucial de considérer l’ensemble des perspectives pour appréhender pleinement les conséquences d’un tel accord sur l’ensemble des secteurs économiques impliqués.
Malgré les tensions, il est essentiel que les producteurs de spiritueux français et européens voient l’accord avec le Mercosur comme une chance de diversifier et de stabiliser leurs canaux d'exportation. Dans un contexte mondial incertain, pouvoir accéder à un marché vaste et économiquement en croissance est une possibilité qu'il serait regrettable de négliger.
Ce contexte marque une période déterminante où la collaboration et la compréhension entre les différents secteurs économiques sont nécessaires pour maximiser les bénéfices tout en minimisant les impacts négatifs potentiels. L'avenir des relations commerciales entre l'Europe et le Mercosur pourrait bien dépendre de l'aptitude des acteurs économiques à s’adapter et à tirer profit de cet accord.
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