La situation est extrêmement préoccupante. L'observatoire européen Copernicus a confirmé ce vendredi 10 janvier que 2024 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée à l'échelle mondiale. Cette année a également marqué la première fois où la température moyenne mondiale a franchi la célèbre barre de +1,5 °C de réchauffement par rapport à la période 1850-1900. En raison du changement climatique, les océans se réchauffent désormais deux fois plus rapidement qu'il y a deux décennies, selon Copernicus. Ce dépassement de l'objectif le plus ambitieux de l'Accord de Paris est préoccupant, mais la hausse des températures doit se confirmer sur le long terme avant de remettre en question le traité international signé lors de la COP 21 en 2015.
« Le franchissement d'un pic ne renseigne pas sur l'altitude moyenne de la randonnée », illustre Christophe Cassou, climatologue au CNRS, dans Le Monde. Les chercheurs s'interrogent. « Ce qui me surprend bien plus que le dépassement de ce seuil sur un an, c'est l'année 2024, qui représente une anomalie de température très importante », déclare Benjamin Sultan, climatologue et directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), au HuffPost. Le chercheur, co-auteur du sixième rapport du GIEC, souligne que les événements extrêmes se sont intensifiés en 2024, notamment les ouragans Milton et Hélène aux États-Unis, les inondations dévastatrices à Valence (Espagne), et les précipitations meurtrières en Asie.
« Nous ne comprenons pas pourquoi 2024 a été aussi chaude », continue Benjamin Sultan. Comme lui, de nombreux chercheurs s'interrogent et débattent actuellement sur une possible accélération du changement climatique, alors que 2023 avait déjà été l'année la plus chaude jamais observée... avant d'être surpassée par 2024. En effet, El Niño a eu lieu en 2023 et au début de 2024, un phénomène caractérisé par des températures de surface plus élevées que la normale dans l'océan Pacifique, augmentant naturellement la température terrestre. Cependant, ce cycle météorologique et les émissions de gaz à effet de serre ne suffisent pas à expliquer un réchauffement aussi rapide.
« Une partie des scientifiques pense que les températures records en 2023 et 2024 sont attribuables à la réduction de l'albédo de la Terre (proportion de lumière réfléchie par une surface), c’est-à-dire qu'une plus grande quantité de rayonnement solaire est absorbée par la planète », explique François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement à l'IPSL. Interrogé par Le HuffPost, le climatologue précise que ce processus, qui n'était pas anticipé par les modèles climatiques, « s'ajoute à celui de l'effet de serre, entraînant un réchauffement supplémentaire ».
Par ailleurs, trois scientifiques ont révélé dans une étude publiée en décembre 2024 dans la revue Science que le déclin des nuages bas avait précipité la diminution de l'albédo en 2023. Comme de gigantesques parasols, les nuages situés à moins de 2000 mètres d'altitude refroidissent effectivement notre planète en renvoyant la lumière du soleil. La raréfaction de ces nuages bas aurait contribué, selon ces chercheurs, à près de 0,2 °C des 1,5 °C de réchauffement en 2023. Et ce trio de scientifiques conclut que si le déclin de la couverture nuageuse n'a pas été causé « uniquement par la variabilité » naturelle, le réchauffement supplémentaire observé en 2023 « pourrait persister » avec « des implications conséquentes pour les budgets carbone restants ».
Benjamin Sultan insiste sur la diminution d'efficacité des puits de carbone tels que les forêts, les sols ou les océans. Les arbres, par exemple, ont normalement le pouvoir d'absorber le CO2 présent dans l'atmosphère et de le stocker, mais l'augmentation des « sécheresses, vagues de chaleur et incendies dégrade fortement les écosystèmes forestiers et engendre des effets de rétroaction négatifs », déplore le scientifique. En d'autres termes, les forêts malades absorbent moins de CO2, voire émettent des gaz à effet de serre lorsqu'elles brûlent.
Quant aux « puits océaniques », les projections prévoient une diminution de leur efficacité avec le réchauffement des océans et la multiplication des vagues de chaleur marines. « Il faudrait donc intensifier nos efforts pour réduire les émissions afin de compenser la perte d'efficacité des puits de carbone, mais pour l'instant, les bilans climatiques ne le prennent même pas en compte... », se désole le co-auteur du GIEC.
Malgré la nécessité d'efforts supplémentaires, le monde est loin d'être sur la bonne voie pour réduire sa pollution carbonique, selon les calculs de l'ONU. Ainsi, pour éviter une aggravation sévère des sécheresses, vagues de chaleur ou pluies torrentielles déjà observées, coûteuses en vies humaines et en impacts économiques. Les politiques actuelles des nations conduisent le monde vers un réchauffement « catastrophique » de 3,1 °C au cours du siècle, au mieux +2,6 °C si les promesses des États de faire mieux sont tenues. Cela reste bien au-delà du seuil déjà préoccupant de +1,5 °C franchi pour la première fois cette année.
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