La Cour suprême des États-Unis, dominée par une majorité conservatrice, examine une question épineuse mercredi, celle de l'accès des jeunes aux traitements médicaux pour le changement de genre. Ce sujet est particulièrement sensible à l'approche de l'investiture de Donald Trump le 20 janvier, qui a exprimé son souhait de revenir sur plusieurs droits acquis par les personnes transgenres. La décision de la Cour, attendue d'ici la fin juin, pourrait avoir des conséquences significatives, puisque près de la moitié des États américains ont déjà mis en place des lois interdisant les traitements pour les mineurs ne se reconnaissant pas dans leur genre de naissance.
Selon une étude du Williams Institute, un groupe de réflexion de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), sur les 1,6 million de personnes qui s'identifient comme transgenres aux États-Unis, plus de 300 000 sont âgées de 13 à 17 ans. Plus d'un tiers de ces jeunes vivent dans l'un des États ayant promulgué de telles lois.
Au cœur du débat devant la Cour, une loi adoptée en 2023 par l'État du Tennessee, dirigé par les républicains, qui interdit aux jeunes transgenres d'accéder aux bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux de transition. Des mineurs et leurs familles, une gynécologue de Memphis, ainsi que l'administration du président démocrate sortant Joe Biden dénoncent cette loi, la qualifiant de "discriminatoire". Ils affirment que le texte vise à "protéger la santé et le bien-être" des moins de 18 ans face aux risques potentiels de ces traitements médicaux.
Ils soutiennent que cette législation viole une clause du Quatorzième amendement de la Constitution relative à "l'égale protection" des citoyens, car elle prive les personnes transgenres de traitements autorisés pour d'autres raisons médicales. Selon la loi, "une personne désignée comme femme à la naissance ne peut pas recevoir ces médicaments pour vivre en tant qu'homme, alors que quelqu'un désigné à la naissance comme homme le peut", a souligné la conseillère juridique de l'administration Biden, Elizabeth Prelogar, lors de l'ouverture de sa plaidoirie.
Le procureur général du Tennessee, Jonathan Skrmetti, rétorque dans ses arguments écrits que cette loi "ne comporte aucune classification en fonction du sexe". La législation "établit une distinction entre les mineurs demandant l'accès à des médicaments pour la transition de genre et ceux qui les demandent à d'autres fins médicales. Et il y a des garçons comme des filles dans les deux catégories", affirme-t-il.
"Si l'État fédéral est libre de privilégier sa conception de +transition d'abord, se poser des questions ensuite+, la Constitution des États-Unis n'oblige pas le Tennessee à faire de même", argumente-t-il. Le Tennessee prétend répondre ainsi à une "explosion des diagnostics de dysphorie de genre" et prévenir les risques de conséquences potentiellement irréversibles des traitements de transition pour les mineurs.
La dysphorie de genre se rapporte à l'état de souffrance ressenti par les enfants ou adolescents face à l'inadéquation entre leur identité de genre et le sexe qui leur a été assigné à la naissance. Les défenseurs de ces traitements en soulignent les effets bénéfiques, notamment une réduction significative des cas de dépression et de suicide chez ces jeunes.
Dans une tribune publiée mardi par le New York Times, Chase Strangio, juriste de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU, représentant les plaignants, confie avoir personnellement bénéficié "des traitements au cœur du dossier". "Je ne vais pas seulement exposer des arguments juridiques devant les juges, je vais aussi les incarner", ajoute Chase Strangio, le premier avocat ouvertement transgenre à plaider devant la Cour suprême.
Bien que la question de droit à résoudre soit "relativement étroite", les enjeux sont cruciaux, particulièrement dans la perspective de l'entrée en fonction de Donald Trump après une campagne présidentielle où les personnes transgenres et notre santé ont joué un rôle disproportionné dans le discours politique.
Les républicains ont fait des attaques contre la place des personnes transgenres un de leurs principaux chevaux de bataille contre le "wokisme", le politiquement correct qu'ils reprochent aux démocrates. Ils ciblent en particulier la participation des hommes transgenres à des compétitions sportives féminines et l'accès des mineurs aux traitements de transition.
La décision de la Cour suprême pourrait redéfinir le paysage juridique des droits des transgenres aux États-Unis, créant potentiellement des précédents pour de futures législations. Les implications de ce jugement s'étendront probablement au-delà du Tennessee, influençant la manière dont d'autres États abordent la question des soins de transition pour les mineurs. Alors que les débats se poursuivent, la décision de la Cour est attendue avec impatience par toutes les parties concernées, promettant de laisser une empreinte durable sur les droits des jeunes transgenres dans le pays.
La communauté transgenre et ses alliés s'inquiètent des conséquences possibles de la décision à venir, craignant une érosion des droits acquis et une augmentation de la discrimination légalisée. Dans ce climat de tension, le rôle des organisations de défense des droits civiques demeure crucial pour soutenir les personnes affectées et faire entendre leur voix dans les débats publics et juridiques.
Alors que l'Amérique attend le verdict de la Cour suprême, l'issue de cette affaire pourrait soit renforcer les protections pour les jeunes transgenres, soit les restreindre davantage, influençant ainsi la vie de milliers de jeunes et le discours social sur les droits des minorités de genre.
Loading categories...
Loading...