En exprimant ses félicitations envers Elon Musk pour sa nomination à un rôle de "l'efficacité gouvernementale" le mercredi, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a suscité une vive indignation parmi les représentants politiques de gauche ainsi que chez de nombreux acteurs du secteur public, qui y voient une "provocation" et une méthode jugée "brutale".
Cette réaction intervient alors qu’une réunion clé de l’intersyndicale de la fonction publique se profile, visant à définir les contours d’une mobilisation potentielle pouvant aller jusqu'à la "grève". Deux des principaux syndicats ont d’ailleurs déjà manifesté leur soutien à cette éventualité. La déclaration du ministre pourrait ainsi envenimer davantage une situation déjà sous tension.
La polémique trouve son origine dans un message diffusé sur le réseau social X par Guillaume Kasbarian, où il fait part de son enthousiasme, en anglais, pour la nomination du multimilliardaire Elon Musk par l'ex-président américain Donald Trump : "Félicitations pour avoir accepté ce défi immense @elonmusk ! Je suis impatient de partager avec vous les meilleures pratiques pour combattre l'excès de bureaucratie, réduire la paperasse et repenser les organisations publiques afin d'améliorer l'efficacité des agents publics".
Elon Musk, PDG de Tesla, SpaceX et X, fervent partisan de M. Trump durant la campagne, a été chargé de "démanteler la bureaucratie gouvernementale, de réduire les régulations excessives, de couper les dépenses inutiles, et de restructurer les agences fédérales", selon un communiqué de l'ancien président des États-Unis.
La réaction ne s'est pas fait attendre. Sur le même réseau social, le chef du Parti socialiste, Olivier Faure, a réagi en déclarant : "On pensait que le trumpisme en France se limitait à l'extrême-droite. Nous nous trompions. Nous avons G. Kasbarian, le Elon Musk Français sans l'électricité". Parallèlement, Éric Coquerel, président de la commission des Finances, a interrogé le Premier ministre Michel Barnier sur cette éloge en anglais d'un fervent partisan de la "démolition totale de l'État".
Cependant, la nomination d'Elon Musk a trouvé quelques soutiens à droite, notamment de la part de Valérie Pécresse. "Un comité de la hache anti-bureaucratique, j'en ai rêvé et @elonmusk le concrétise !", a proclamé la présidente de la région Île-de-France.
Cette prise de position de Guillaume Kasbarian intervient à la suite d'une semaine tendue, marquée par des annonces de restrictions budgétaires concernant la fonction publique pour un montant de 1,2 milliard d'euros. Ces mesures ont provoqué la levée de bouclier des syndicats.
Parmi ces mesures, deux ont cristallisé la colère : la réduction de 100% à 90% de l'indemnisation des congés maladie des fonctionnaires et le passage de un à trois jours de carence non rémunérés pour ces absences - sauf en cas de pathologies lourdes.
Au terme du conseil des ministres de mercredi, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a minimisé ces propos tout en niant toute "convergence" entre l'administration Trump et le gouvernement français. "Il n'y a pas de surinterprétation à faire", a-t-elle affirmé, ajoutant que "Guillaume est extrêmement mobilisé depuis des années sur la nécessité de simplifier et de débureaucratiser l'administration française. Il a félicité son homologue et ça s'arrête là".
Interrogé par AFP, l'entourage de Guillaume Kasbarian a assuré que de "saluer la nomination d'un homologue, dont le dirigeant a été élu démocratiquement, ne constitue pas une adhésion à ses idéaux".
Néanmoins, du côté des syndicats et collectifs d’agents, la colère reste vive et cette situation pourrait laisser des traces.
“Jamais on n'a connu ça, c'est d'une violence inouïe”, a confié à l’AFP Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’UFFA-CFDT. Elle a ajouté qu'il "y a déjà eu des désaccords, des conflits (avec d'autres ministres, ndlr), mais jamais ce niveau de brutalité".
Le même son de cloche se fait entendre chez Christian Grolier, secrétaire général de l’UIAFP-FO, dont l’organisation a lancé un appel à la grève dès jeudi dernier. Il a déclaré à l'AFP que ces déclarations "mettent de l’huile sur le feu", regrettant que le ministre puisse voir en MM. Trump et Musk des "modèles".
François Hommeril, président de la CFE-CGC, a critiqué ce qu'il considère être "l'exemple même de l'erreur absolue de casting". Il estime que "En tant que ministre, il devrait affronter les lieux communs, les préjugés" et défendre "les personnes qui en sont la cible".
Dans un communiqué, le cercle de réflexion des hauts fonctionnaires "le Sens du service public" a exprimé son étonnement que Guillaume Kasbarian "puisse soutenir une figure comme Elon Musk, qui assume un positionnement extrémiste et masculiniste". Johan Theuret, co-fondateur de ce cercle, a dénoncé une "absence d'humilité du ministre" et "une provocation".
Les tensions autour de ces déclarations, sur fond de réformes impopulaires dans le secteur public, pourraient ainsi compromettre encore davantage les relations déjà fragiles entre le gouvernement et les syndicats.
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