Quelques semaines de sobriété s'annoncent pour le nouveau ministre de la Santé. Yannick Neuder a affirmé à BFMTV.com qu'il s'engage "personnellement" dans le défi du "Dry January", c'est-à-dire s'abstenir de consommer de l'alcool pendant le premier mois de l'année. "Je vais le faire, comme chaque année", déclare ce cardiologue de métier, récemment nommé dans le gouvernement de François Bayrou. Cette déclaration contraste avec celle de ses prédécesseurs : en effet, au cours des dernières années, les gouvernements successifs ont refusé de soutenir cette initiative de sobriété.
En 2019, une campagne avait été élaborée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, mais elle n'avait jamais réellement été mise en œuvre. "C'est une bataille presque impossible à mener dans notre pays, en fait. Il y a trop de vents contraires", expliquait-elle à France 2 en 2024, soulignant notamment le poids des lobbys et du vin en tant qu'"image de la culture française".
L'engagement de Yannick Neuder peut également surprendre compte tenu de ses récentes déclarations sur la consommation de vin. Alors qu'il était député LR et rapporteur général du budget de la sécurité sociale, il s'était opposé en novembre à un amendement soutenant la création d'une taxe sur la bière et le vin pour financer la Sécurité sociale. Cette proposition avait été déposée par plusieurs députés macronistes et défendue par la gauche ainsi que par la ministre de la Santé de l'époque, Geneviève Darrieussecq.
Actuellement, la disposition fiscale ne s'applique qu'aux alcools à plus de 18 degrés tels que le whisky ou la vodka, et ne concerne ni le vin ni la bière, même les plus alcoolisés. Son montant, généralement de quelques centimes, avait provoqué la colère des députés de droite lors des débats. "Ce n'est pas en augmentant de 7 centimes le prix d'une bouteille de Châteauneuf-du-Pape que vous allez réduire la mortalité chez les jeunes", avait jugé Yannick Neuder dans l'hémicycle.
Le futur ministre de la Santé prônait plutôt un contrôle accru de la vente d'alcool aux jeunes, qui consomment des alcools "forts et violents", et demandait à "ne pas s'en prendre à nos viticulteurs". "Je suis désolée, mais je ne crois pas que les jeunes s'alcoolisent avec du Châteauneuf-du-Pape", insistait encore le député de l'Isère.
L'amendement, qui élargissait la cotisation sur la Sécurité sociale à tous les alcools, avait néanmoins été largement adopté par l'Assemblée nationale, tant à gauche que sur les bancs de Renaissance. Les partisans de la mesure soulignaient que les recettes de la taxation sur l'alcool ne couvrent que 42% du coût des soins dus à la consommation d'alcool, selon un chiffre de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Cependant, la mesure est restée en suspens depuis la censure de Michel Barnier, après le vote du budget de la Sécurité sociale.
Les propos de Yannick Neuder ont refait surface suite à sa nomination au ministère de la Santé. Interrogé sur BFMTV le 24 décembre dernier, il campait sur ses positions. "Toutes les alcoolisations aigües que j'ai rencontrées, notamment lors de mes gardes aux urgences, n'étaient pas nécessairement dues aux types d'alcools mentionnés dans les amendements", comme le vin et la bière, avançait le médecin. Il assurait également "ne pas être sous l'influence d'un quelconque lobby sur l'alcool".
Le cabinet du ministre précise encore que "contrairement à la cigarette, la hausse des taxes sur l'alcool n'a pas d'impact" sur les ventes. "Tous les consommateurs, y compris les buveurs excessifs et les jeunes, réagissent aux variations des prix de l'alcool", estime néanmoins l'association Addictions France dans une récente note sur le budget de la Sécurité sociale. "Les politiques de fixation des prix de l'alcool et la fiscalité figurent parmi les mesures les plus efficaces et les plus rentables pour réduire la consommation d'alcool et ses méfaits", peut-on également lire sur le site de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
En ce qui concerne le type d'alcool consommé par les personnes hospitalisées aux urgences, il n'existe aucune étude précise sur le sujet. Toutefois, selon une étude du CHU de Clermont-Ferrand publiée dans le Journal européen des urgences, 30% des admissions aux urgences sont liées à une consommation excessive d'alcool. Quant aux profils des personnes concernées, "même si l'ivresse chez les jeunes existe, typiquement il s'agit d'un homme de 40 à 50 ans, vivant souvent seul", précisent les médecins signataires de cet article.
La polémique rappelle celle qui avait opposé Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, et le ministre de l'Agriculture de l'époque, Didier Guillaume. "Je n'ai jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit et qui est saoul parce qu'il a bu du Côte-du-Rhône", affirmait-il alors sur BFMTV en 2019. La réponse de sa collègue, elle-même médecin, ne s'était pas fait attendre : "La molécule d'alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée."
Selon les derniers chiffres de Santé publique France, 41.000 décès sont attribuables chaque année à l'alcool. Parmi ceux-ci, on note notamment 16.000 décès dus à des cancers, 9.900 décès liés à des maladies cardiovasculaires et 5.400 causés par des incidents externes, comme des accidents de la route. Par ailleurs, l'alcool est impliqué dans 28% des accidents mortels, d'après des chiffres du ministère de l'Intérieur, et est mis en cause dans 40% des condamnations pour des faits de violence.
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