Le ministère public sud-coréen a formellement accusé ce samedi l'ex-président Yoon Suk Yeol d'avoir donné son accord à l'armée pour utiliser la force dans le but de pénétrer dans l'assemblée nationale durant sa tentative infructueuse d'imposer la loi martiale, déclenchant ainsi une crise politique majeure. Près d'un mois après ce coup d'état, la quatrième économie asiatique se trouve plongée dans un désordre politique accru par la destitution, vendredi dernier, de l'exécutif provisoire en fonction depuis moins de deux semaines.
Alors que des manifestations en faveur et contre Yoon se déroulent samedi, le parquet a publié le rapport d'inculpation de l'ex-ministre de la Défense, Kim Yong-hyun. Ce dernier est perçu comme celui qui aurait encouragé l'ancien président à décréter la loi martiale. Celle-ci a été proclamée le 3 décembre de manière inattendue, alors que le président avait ordonné à l'armée de se rendre au Parlement. "Vous n'êtes pas encore entrés? Que faites-vous? Défoncez la porte et sortez-les, même si vous devez ouvrir le feu", aurait-il déclaré le 3 décembre lors d'une conversation téléphonique avec le commandant militaire de Séoul, Lee Jin-woo, selon les affirmations du parquet.
Suite à la proclamation de la loi martiale, des troupes lourdement armées ont envahi l'assemblée, escaladant barrières et fenêtres, et certains soldats ont même été déposés par hélicoptère. Selon le rapport de dix pages, le président Yoon aurait aussi ordonné au chef du service de contre-espionnage militaire, le général Kwak Jong-keun, de "se rendre rapidement à l'intérieur" du Parlement. "Débusquez les personnes à l'intérieur de l'hémicycle, détruisez les portes avec une hache si besoin", aurait-il insisté, d'après le rapport, qui indique que le président aurait discuté de la loi martiale dès le mois de mars avec des hauts gradés militaires.
Bien que les parlementaires aient voté contre la loi martiale dès l’aube du 4 décembre, l'ancien président Yoon aurait affirmé à M. Lee qu'il la décréterait "une seconde et une troisième fois". L'avocat de M. Yoon, Yoon Kab-keun, a déclaré à l'AFP que les informations du parquet sont partiales et ne correspondent "ni à des faits objectifs ni au bon sens". Lors d'une allocution en décembre, M. Yoon avait nié toute intention de proclamer à nouveau la loi martiale et avait exprimé ses regrets pour "l'angoisse et les désagréments" causés.
Destitué de ses fonctions, l'ancien président fait l'objet d'une enquête pour "rébellion", un crime passible de la peine capitale. Il reste néanmoins officiellement en fonction en attendant le verdict de la Cour constitutionnelle, qui dispose de six mois pour confirmer ou annuler la décision des parlementaires. Dans l'opposition, le député du Parti démocrate Kang Sun-woo a qualifié le rapport du parquet de révélateur de la "terrible et indéniable vérité" sur Yoon Suk Yeol, qu'il a qualifié de "chef de la trahison", réclamant son arrestation "immédiate".
Le Bureau d'enquête sur la corruption, qui centralise les investigations, a déjà convoqué à deux reprises l'ancien président pour l'interroger. Toutefois, M. Yoon ne s'est pas présenté à ces convocations. Les enquêteurs lui ont adressé jeudi une troisième convocation pour un entretien prévu dimanche matin.
Sur le plan politique, la Corée du Sud connaît son troisième dirigeant en moins d'un mois : le président par intérim en exercice depuis mi-décembre, le Premier ministre Han Duck-soo, a été destitué à son tour vendredi. Les députés lui reprochent d'avoir tenté d'entraver l'enquête sur le coup de force de son prédécesseur. Le nouveau chef de l'État par intérim, le ministre des Finances Choi Sang-mok, a promis de "mettre un terme à la crise gouvernementale".
Néanmoins, la situation est sans précédent pour le pays, qui est plongé dans une incertitude ayant provoqué vendredi une chute de sa monnaie au plus bas depuis seize ans. Des dizaines de milliers de personnes des deux camps se sont rassemblées samedi à Séoul, les opposants à Yoon arborant des pancartes demandant l'arrestation de l'ancien président.
Du côté de ses partisans, Danny Ko, 31 ans, défend la loi martiale contre une opposition qu'il qualifie d'"insurrectionnelle" : "Maintenant, le Parti démocrate va destituer (le ministre des Finances et nouveau président par intérim) Choi Sang-mok, comme Han, et le pays va sombrer dans la folie", a-t-il déclaré à l'AFP.
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